Je vous salue moi aussi, respectueusement. Et je salue Madame Marine Le Pen avec un respect particulier. La France est un grand pays et une grande nation. La visite chez nous d’un personnage politique dirigeant de ce pays est toujours une marque de respect à notre égard. Merci beaucoup, Madame la Présidente, de nous avoir rendu visite !
Mais je vous suis redevable aussi d’un autre remerciement. Au cours des dernières années, l’on a plusieurs fois tenté de clouer au pilori la Hongrie au Parlement européen. Il s’est trouvé des députés et des partis au Parlement européen qui ont pris fait et cause pour nous, et d’autres qui ne l’ont pas fait. D’autres encore nous ont trahis – mais c’est ici une conférence de presse marquée par la bonne humeur, mieux vaut donc ne pas en parler. Et bien que je ne me sois jamais entretenu de ma vie avec Madame Le Pen de questions relatives à la Hongrie, chaque fois que la Hongrie s’est trouvée injustement attaquée au Parlement européen, Madame Le Pen personnellement, et aussi son parti ont toujours pris fait et cause pour la Hongrie. C’est pourquoi, en ma qualité de chef du gouvernement, je dois également remercier Madame Le Pen au nom de la Hongrie pour son engagement et le soutien qu’elle a manifesté non pas au parti gouvernemental, mais à toute la Hongrie et à tous les Hongrois. Merci beaucoup, Madame la Présidente !
Cela étant dit, je voudrais vous rendre compte de notre entretien d’aujourd’hui. Nous avons commencé par prendre en considération la situation de l’Union européenne. Nous avons constaté que nous nous trouvons confrontés à de grands défis. La compétitivité de l’Union régresse dans l’économie mondiale. L’Union est dépourvue de l’influence et de la force politique nécessaires sur la scène internationale. Elle a été incapable de résoudre la pression migratoire qui s’appesantit sur l’Union : cette question est pour nous une plaie ouverte, un poids et un défi permanent, et maintenant nous sommes tout aussi incapables, au niveau de l’Union, d’affronter le problème de la montée aux nues des prix de l’énergie. Nous avons constaté que dans l’Europe tout entière les structures de parti traditionnelles sont en phase de transformation, comme le montrent les élections qui se sont déroulées dans des pays européens majeurs au cours des derniers mois. Nous nous opposons à la création de toute forme de super-Etat européen. C’est la raison pour laquelle nous voulons, nous aussi, nous adapter aux modifications des structures de parti en cours et mettre en place une collaboration pour y parvenir.
Nous avons constaté avec tristesse que la pression idéologique au sein de l’Union européenne a pris des proportions jamais connues, que la promotion de la migration et de la « société ouverte » a pris des proportions jamais connues et que la Commission s’est transformée de gardienne des Traités en centrale idéologique. J’ai indiqué à Madame la Présidente que ce processus ne nous est pas inconnu. Il y avait une fois une doctrine Brejnev. L’expression « doctrine Brejnev » fait partie des expressions particulièrement repoussantes. Je précise, à l’attention de nos invités français, que cela signifiait encore, dans le système mondial de l’Union soviétique, que si un des Etats-membres s’écartait de l’idéologie centralement définie, les autres membres du camp socialiste étaient en droit d’intervenir dans les affaires intérieures de cet Etat. La doctrine Brejnev, c’est cela. C’est sur cette base que s’est faite l’intervention de 1968 en Tchécoslovaquie. Nous connaissons donc bien les centres de pouvoir qui ne reconnaissent pas la pluralité idéologique et la liberté d’opinion, et veulent nous faire entrer de force dans un cadre idéologique si nous sortons duquel ils s’estiment en droit d’intervenir. Bien évidemment, les modalités de l’intervention ne sont pas indifférentes : l’intervention par les chars soviétiques est bien plus brutale que la procédure par l’Etat de droit, mais elle n’en reste pas moins une intervention, une sorte de modernisation « à la mode de l’Union-européenne » de la doctrine Brejnev. C’est de cela que nous sommes les témoins, comme en font l’expérience quotidiennement non seulement la Pologne, mais aussi la Hongrie.
Je voudrais souligner les immenses mérites de Madame Le Pen pour avoir fait de son camp politique un protagoniste incontournable dans la critique de l’Europe fédérale, de la migration et de la mondialisation. En fait, Madame la Présidente, je dirais en Hongrie que votre « camp de droite » – mais en France l’on n’emploie pas ces mots dans le même sens, aussi resterai-je prudent et dirai : le camp des souverainistes – est devenu une force incontournable dans la politique européenne, et nous voudrions, nous aussi, voir une Europe fondée sur des Etats-nations.
Et nous avons enfin parlé de notre collaboration. Sur ce sujet, notre opinion est que ce qui se trouve à droite de la gauche européenne – appelons-la la droite – doit de toute manière se rénover. Et cette rénovation ne peut se réaliser que si nous concluons des alliances entre nous. C’est cette idée qui nous intéresse, parce que nous sommes redevenus, nous aussi, de vieux célibataires. Des célibataires politiques européens. Et puisque que nous ne pouvions plus rester dans le Parti populaire européen – qui est devenu dans une telle mesure le prisonnier de l’emprise idéologique de la gauche « mainstream » que nous n’avions plus rien à y faire –, nous sommes intéressés à la création d’une nouvelle formation. Nous avons déjà accompli le pas déterminant dans cette direction : je voudrais vous rappeler qu’en juillet dernier 15 partis européens, dont le Fidesz et le Rassemblement national, ont signé une déclaration commune, qui est un document d’une importance majeure parce qu’il donne la base de toutes les collaborations futures. Le fait d’avoir pu résumer nos vues dans une déclaration commune a permis de briser la glace. Depuis ce moment, nous travaillons à ces collaborations, dont la rencontre d’aujourd’hui est une étape marquante, et nous souhaitons que ce processus s’accélère dans les semaines et les mois qui viennent.
Et nous avons finalement abordé également le cas de notre ami Salvini en Italie, qui se trouve sous le coup d’une procédure particulièrement injuste. Nous n’avons jamais caché, en Hongrie, que Monsieur Salvini est notre héros, parce qu’il a montré, quand il était ministre de l’Intérieur, qu’il est possible d’arrêter la migration y compris par la mer, et nous sommes convaincus que des hommes tels que Monsieur le Président Salvini mériteraient reconnaissance et respect dans la politique européenne, plutôt que le déclenchement de procédures judiciaires. Nous sommes donc solidaires de Monsieur le Président Salvini.
Je vous remercie de votre attention.