Discours de M. Viktor Orbán, premier ministre de Hongrie, à la 31ème Université d’été de Bálványos
le 23 juillet 2022 à Tusnádfürdő (Băile Tuşnad, en Roumanie)

Mesdames et Messieurs, bonjour !

Je me réjouis de vous voir. Zsolt Németh m’a fait venir ici à la condition que je parle exactement moitié moins longtemps que j’en aurais eu envie. Le mot « moitié » sonne bien. L’on a une fois demandé au pape combien de gens travaillent au Vatican, à quoi il a répondu : « la moitié ». Bon, je vais m’efforcer de condenser mon propos. Ce ne sera pas facile de m’écouter jusqu’au bout, parce que j’ai beaucoup de choses à dire, et je vois qu’il va faire chaud. Mais le mouton en bonne santé supporte sa toison, et c’est en 2019 que nous nous sommes rencontrés pour la dernière fois, il y a déjà trois ans. C’est bien que nous puissions nous retrouver à nouveau, librement, entre amis, nous asseoir sur la terrasse et boire notre apéritif, notre « fröccs ». Nous avons de bonnes raisons de déguster cet apéritif-Fidesz – deux tiers-un tiers – ce qui nous montre qu’il existe bel et bien des réalités éternelles.

Depuis que nous nous sommes rencontrés la dernière fois, le monde a beaucoup changé. En 2019, nous pouvions participer à une Université d’été particulièrement optimiste et pleine de confiance. Mais la décennie qui s’ouvre à présent devant nous sera très clairement la décennie des dangers, des incertitudes et des guerres, comme le montrent bien les événements d’ici – mais poliment, comme les policiers de Budapest sur les ponts avec les drogués . Nous sommes donc entrés dans l’ère des dangers, et les piliers porteurs de la civilisation occidentale, autrefois considérés comme inébranlables, se fissurent. Je voudrais citer ici trois de ces ébranlements : un, nous avons cru précédemment que nous vivions dans la combinaison étanche de la science – et le Covid nous est tombé sur le dos ; deux, nous avons cru qu’il ne pouvait plus y avoir de nouvelle guerre en Europe – et la guerre fait rage aux frontières de la Hongrie ; et trois, nous avons cru que la guerre froide ne pouvait plus jamais revenir – et nombre de dirigeants dans le monde travaillent au contraire à réorganiser notre vie selon une logique de blocs.

Ces phénomènes, que je n’avais absolument pas évoqués en 2019, nous apprennent donc à rester modestes, car notre capacité à prévoir l’avenir connaît de sérieuses limites. Cet avertissement vaut pour tous ceux qui s’expriment sur l’avenir. En 2019, je n’ai parlé ni de pandémie, ni de guerre européenne, ni de nouvelle victoire aux deux-tiers, ni du retour de la gauche en Allemagne, ni que nous allions battre les Anglais aller-retour, avec un 0-4 au retour. Je conseille donc vivement la modestie et l’humilité à ceux qui s’occupent de scruter l’avenir. Ils ne peuvent pas s’approprier les attributs du Maître de l’Histoire. C’est dans cet esprit que je vous demande de prendre ce que je vais dire à présent. Je pars de loin, avant d’arriver jusqu’ici, au Pays Sicule.

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Ce qui frappe le plus, mes Amis, quand on observe le monde, c’est qu’à la lumière des chiffres le monde apparaît comme un endroit toujours meilleur, alors que nous ressentons exactement le contraire. L’espérance de vie atteint 70 ans, et 80 ans en Europe. La mortalité infantile a baissé des deux tiers en trente ans, et la sous-alimentation, qui était encore de 50% dans le monde en 1950, est tombée à 15%. Le pourcentage des alphabétisés y est passé à 90%. La durée du travail hebdomadaire, qui était encore de 52 heures en 1950, est aujourd’hui de 40 heures, et le temps libre est passé de 30 heures à 40 heures. Je pourrais continuer l’énumération, mais l’état d’esprit général est tout de même que le monde est un endroit de plus en plus inquiétant. Les informations et leur tonalité sont de plus en plus sombres, et il plane une sorte d’attente de fin du monde dont l’intensité croît. La question est la suivante : est-il possible que des millions d’individus se méprennent simplement sur ce qui leur arrive ? Mon interprétation de ce phénomène est que la raison de notre morosité est une idée de la vie fondamentalement occidentale, et qu’elle vient du fait que l’énergie, l’efficacité, le crédit et la capacité d’action de la civilisation occidentale s’amincissent. Les « zapadniks », c’est-à-dire les Occidentaux de naissance balaient ce constat d’un revers de la main, disant qu’on le sait, Spengler avait déjà écrit sur le déclin de l’Occident, mais l’Occident est toujours bien là, et même plus, puisque ce n’est pas à l’Est, mais à l’Ouest que nous envoyons nos enfants, si nous en avons les moyens, étudier à l’Université. Il n’y a donc pas péril en la demeure. Mais la réalité est que lorsqu’on parlait il y a cent ans du déclin de l’Occident, l’on se référait à une perte de son poids spirituel et démographique. Ce que l’on voit aujourd’hui en revanche, c’est un affaiblissement du monde occidental sur le plan matériel et au niveau de sa puissance. C’est de cela que je dois dire quelques mots, pour nous aider à bien comprendre la situation dans laquelle nous nous trouvons.

Il est important de comprendre que les autres civilisations se sont elles aussi modernisées. La chinoise, l’indienne, la russe (appelons-la orthodoxe), et même l’Islam. Nous voyons maintenant que ces civilisations rivales se sont approprié la technologie occidentale, elles ont assimilé le système financier occidental, mais elles n’ont pas adopté les valeurs occidentales, et elles n’ont même pas la moindre intention de les adopter. L’Occident cherche malgré cela à étendre ses propres valeurs, que les autres ressentent comme humiliantes. Nous le comprenons, et nous le ressentons parfois aussi. Je voudrais rappeler ici ce qui est arrivé à notre ministre des Affaires étrangères Péter Szijjártó aux alentours de 2014, à l’époque de la précédente administration américaine, lorsque le représentant du gouvernement américain qui nous rendait visite lui a glissé négligemment sous le nez un bout de papier en lui disant qu’il y trouvera les points sur lesquels il faut modifier la Constitution hongroise pour restaurer l’amitié avec les Etats-Unis. Cet exemple montre que nous avons des raisons de comprendre cette résistance de la part des autres régions du monde vis-à-vis de cette exportation des « valeurs » et de la démocratie. Je soupçonne même que les autres parties du monde se sont rendu compte que c’est justement pour cette raison qu’elles doivent se moderniser, parce que c’est seulement ainsi qu’elles pourront résister à l’exportation des valeurs occidentales qui leur sont étrangères. Le plus douloureux dans cette perte d’influence matérielle et de puissance est que nous, c’est-à-dire l’Occident, avons perdu le contrôle sur nos sources d’énergie. En 1900, 90% du pétrole, du gaz naturel et du charbon étaient entre les mains des Etats-Unis et de l’Europe. Ce pourcentage est tombé à 75% en 1950, et aujourd’hui la situation est la suivante : les Etats-Unis et l’Europe en contrôlent ensemble 35% (les Etats-Unis 25%, et nous 10%), les Russes 20% et le Proche-Orient 30%. Au début du siècle dernier, les Etats-Unis, les Britanniques et les Allemands contrôlaient une part respectable des matières premières nécessaires à l’industrie moderne. Après la Seconde guerre mondiale, les Soviétiques s’y sont joints, et nous voyons qu’aujourd’hui ces matières premières sont possédées par l’Australie, le Brésil et la Chine, de sorte que 50% des exportations totales de matières premières par l’Afrique sont destinées à la Chine. Mais l’observation de l’avenir ne nous réserve rien de bon non plus, parce que la répartition des terres et des métaux rares, qui représentent la matière première de base de l’industrie fondée sur les technologies modernes, était en 1980 en grande mesure partagée entre les Etats-Unis et l’Union soviétique, alors qu’aujourd’hui les Chinois en produisent cinq fois plus que les Etats-Unis et soixante fois plus que les Russes. Cela signifie que l’Occident perd la bataille des matières premières. Si nous voulons comprendre la situation du monde et la position des Occidentaux dans le monde, nous devons partir du point qu’une grande partie des sources d’énergie échappe au contrôle de la civilisation occidentale. Voilà les faits purs et durs.

Notre situation et celle de l’Europe dans ce contexte est particulièrement difficile, et elle l’est à un double titre. La raison s’en trouve dans la stratégie des Etats-Unis. 2013 est une année que personne n’a retenue et n’a inscrite nulle part, or c’était l’année où les Américains ont lancé les nouvelles technologies de production des matières premières et des sources d’énergie – pour faire simple, appelons cela la « méthode de production d’énergie par fragmentation » – et ont immédiatement annoncé une nouvelle doctrine américaine en matière de politique de sécurité. En voici une citation : « Cette nouvelle technologie – déclarent-ils – renforce notre position en matière de sécurité internationale et de poursuite et de mise en œuvre de nos objectifs ». Les Américains n’ont donc pas caché qu’ils avaient l’intention d’utiliser l’énergie comme arme de politique étrangère. Nous ne devons pas nous laisser tromper par le fait qu’ils en accusent d’autres des mêmes intentions. Le résultat en est que les Américains pratiquent une politique de sanctions plus énergique – c’est ce que nous voyons aujourd’hui à l’ombre du conflit russo-ukrainien – et qu’ils se sont mis à inciter fortement leurs alliés – c’est-à-dire nous – à consacrer leur attention aux achats en provenance des Etats-Unis. Et cela marche. Les Etats-Unis ont les moyens de faire prévaloir leur volonté, parce qu’ils ne dépendent pas de l’énergie des autres. Ils ont les moyens d’exercer des pressions hostiles, parce que les réseaux financiers nécessaires à la politique des sanctions – appelons cela, pour faire simple, le système SWIFT – sont entre leurs mains, et ils ont également les moyens d’exercer des pressions amicales, c’est-à-dire de convaincre leurs alliés d’acheter chez eux. Cette politique s’est, dans un premier temps, avancée à bas bruit. Lorsque le président Trump s’est rendu pour la première fois en Pologne, il n’a parlé que de « free gas », c’est-à-dire qu’il fallait acheter du « gaz libre ». Ce n’est qu’aujourd’hui, en 2022, que la politique des sanctions est venue compléter cette stratégie américaine. Voilà où nous en sommes aujourd’hui, et je ne serais pas surpris s’ils incluaient rapidement dans la même démarche l’uranium et l’énergie atomique. Les Européens, c’est-à-dire nous, y avons répondu que nous n’avions pas l’intention de nous rendre dépendants des Américains. Ce n’est pas très joli, mais les Européens se disent entre eux : « nous avons attrapé un Yankee, mais rien ne vient ! » Ils ne voulaient pas trop maintenir cette situation, ils ont donc essayé de défendre aussi longtemps que c’était possible l’axe énergétique germano-russe, pour maintenir nos importations d’énergie russe en Europe. C’est ce que la politique internationale est en train de démanteler aujourd’hui. Après cela, nous avons donné une nouvelle réponse, sous la conduite des Allemands, affirmant vouloir passer aux énergies renouvelables, mais cela n’a pas fonctionné jusqu’à présent parce que la technique est chère, et par voie de conséquence l’énergie ainsi produite le sera aussi. De plus, le passage à cette technologie moderne nouvelle ne va pas de soi, il nécessite une pression supérieure. Et cette pression supérieure, c’est la Commission de Bruxelles qui l’exerce sur les Etats-membres, même si ce processus heurte violemment les intérêts des mêmes Etats-membres.

Je voudrais ici ouvrir une parenthèse, pour dire également un mot des « valeurs européennes ». Voici par exemple la toute nouvelle proposition de la Commission de l’Union européenne, aux termes de laquelle tout le monde doit diminuer obligatoirement de 15% sa consommation de gaz. Je ne vois pas comment ils peuvent y contraindre les Etats-membres, quoiqu’il existe un savoir-faire allemand dans ce domaine, comme le passé l’a montré. Et de plus, si cela ne suffisait pas et si quelqu’un venait à manquer de gaz, on en prélèverait chez ceux qui en ont. Par conséquent, la Commission se garde bien d’intimer aux Allemands de renoncer à arrêter leurs deux ou trois centrales nucléaires encore en fonctionnement, parce qu’elles produisent une énergie bon marché, elles les laissent au contraire les arrêter et s’ils n’ont plus d’énergie, eh bien ils viendront prendre chez nous d’une manière ou d’une autre le gaz dont nous disposons parce que nous l’aurons stocké. C’est ce qu’on appelle se payer la tête des gens. C’est à cela que nous devons nous préparer.

En un mot comme en cent, Mesdames et Messieurs, ce que je veux dire, c’est que les sentiments négatifs sur le monde qui voient le jour en Occident viennent du fait que l’énergie et les matières premières fondamentales nécessaires au développement économique ne sont plus entre les mains de l’Occident. Ce qui est entre ses mains, ce sont la force militaire et le capital. La question est de savoir ce que l’on peut en faire dans les circonstances actuelles.

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Permettez-moi, après cela, de dire un mot de nous, les Hongrois. A quelles questions, dans quel ordre, et avec quels moyens la Hongrie et la nation hongroise doivent-elles répondre ? Les questions, comme les couches du gâteau Dobos , s’empilent les unes sur les autres. La plus importante en-dessous, les plus simples et les meilleures, au-dessus. C’est cet ordre que je suivrai.

Le premier défi et le plus important, mes Amis, concerne toujours la population et la démographie. La vérité est que le nombre des enterrements continue à être bien supérieur à celui des baptêmes. Et que cela nous plaise ou pas, l’on peut répartir les peuples du monde en deux catégories : il y a d’un côté le groupe de ceux qui sont capables d’assurer leur propre survie biologique. Nous faisons quant à nous partie de l’autre groupe, celui de ceux qui n’en sont pas capables. Notre situation s’est améliorée, mais il n’y a pas de tournant majeur, et c’est pourtant l’alpha et l’oméga de tout. S’il ne se produit pas ici de tournant, nous nous retrouverons tôt ou tard marginalisés en Hongrie, nous nous retrouverons marginalisés dans le Bassin des Carpates.

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Le second défi est la migration. Nous pouvons l’appeler « remplacement de population » ou « submersion », peu importe. Un livre excellent a récemment été publié en Hongrie, la traduction d’un livre français écrit en 1973 et qui traite de ce sujet, « Le Camp des Saints » . Je le recommande à tous, si nous voulons comprendre les processus mentaux qui sous-tendent l’incapacité des Occidentaux à assurer leur propre défense. La migration a coupé l’Europe en deux. Je pourrais dire aussi que c’est l’Occident qui s’est coupé en deux. L’une de ses moitiés est un monde où des peuples européens et extra-européens cohabitent. Ces pays ne sont plus des nations. Ces pays ne sont rien d’autre que des conglomérats de peuples. Je pourrais dire aussi que ce n’est plus l’Occident, mais le post-Occident, où – selon les lois de la mathématique – le changement démographique définitif se produira vers 2050 avec, dans cette partie de l’Europe, le dépassement du seuil de 50% de population d’origine non-européenne dans les grandes villes. Et voici l’autre moitié de l’Europe, l’autre moitié de l’Occident : l’Europe centrale, c’est-à-dire nous. Je pourrais dire aussi, si ce n’était pas quelque peu troublant, que l’Occident pris dans son sens spirituel a déménagé en Europe centrale. L’Occident est ici, il ne reste là-bas que le post-Occident. Et une bataille se livre entre ces deux parties de l’Europe. Nous avons fait quant à nous des propositions de tolérance aux post-occidentaux, afin de rester en paix les uns avec les autres et de laisser chacun décider de ceux avec lesquels il souhaite vivre, mais ces propositions ont été rejetées et la bataille se poursuit contre l’Europe centrale avec l’objectif de nous rendre semblables à eux. Evitons maintenant le commentaire moral de cette approche, nous avons une si belle matinée ici aujourd’hui. Bien qu’il soit moins question en ce moment de la migration, croyez-moi, rien n’a changé. Avec l’aide des équipes Soros, Bruxelles cherche tout simplement à nous imposer les migrants. Nous avons été cités en justice à propos du système hongrois de défense des frontières, et nous avons même été condamnés. Pour toutes sortes de raisons, nous en parlons moins souvent aujourd’hui, mais il n’en reste pas moins que nous sommes condamnés. S’il n’y avait pas la crise des réfugiés ukrainiens, l’on aurait déjà commencé à nous faire exécuter cette décision. La manière dont cela se produira est une question intéressante. Mais puisque la guerre a éclaté et que nous accueillons les réfugiés d’Ukraine, cette question a été mise de côté ; mais elle n’a pas été retirée de l’ordre du jour, elle a été seulement mise de côté. Il est important que nous les comprenions. Il est important que nous comprenions que ces braves gens, là-bas en Occident, en post-Occident, ne peuvent pas se réveiller tous les jours ni empoisonner chacune de leurs journées, et même leur vie tout entière, avec la pensée que tout est perdu. Et nous n’avons pas envie, quant à nous, de les confronter jour et nuit avec cette réalité, nous leur demandons simplement de renoncer à vouloir nous contraindre à un sort que nous n’appelons même pas un sort, mais une fin fatale pour une nation. Nous ne demandons que cela, rien de plus.

Il y a ici une ruse idéologique, dont il faut parler et à laquelle il faut faire attention dans un tel environnement multiethnique. La gauche internationale pratique veut nous faire croire que l’Europe est habitée depuis toujours par des peuples multiethniques. C’est là un tour de passe-passe historique et sémantique, parce qu’il mélange des choses différentes. Il y a en effet le monde de ceux où les peuples européens se mélangent à ceux arrivés d’en-dehors de l’Europe. C’est là le monde multiethnique. Et il y a notre monde, où les peuples vivant à l’intérieur de l’Europe se mélangent entre eux : ils bougent, ils prennent des emplois, ils déménagent. C’est pour cette raison que dans le Bassin des Carpates nous ne sommes pas multiethniques, mais tout simplement le mélange de peuples vivant ensemble à l’intérieur de leur patrie européenne. Et quand l’alignement des astres et les vents sont favorables, ces peuples n’ont pas de mal à se fondre dans cet amalgame hungaro-pannonien et à créer une nouvelle culture européenne qui leur est propre. C’est pour cela que nous avons toujours combattu. Nous sommes disposés à nous mélanger les uns aux autres, mais nous ne voulons pas devenir multiethniques, c’est pour cela que nous avons combattu à Nándorfehérvár , c’est pour cela que nous avons arrêté les Ottomans à Vienne, et si je ne me trompe c’est pour cette même raison que les Français ont arrêté les Arabes à Poitiers dans les temps anciens. La situation est aujourd’hui que la civilisation islamique se déplaçant en permanence en direction de l’Europe a reconnu que précisément en raison de l’expérience de Nándorfehérvár la route passant par la Hongrie n’était pas appropriée pour l’envoi de ses coreligionnaires en Europe. C’est pourquoi ils ont rejoué la version Poitiers : ce n’est plus depuis l’Est, mais depuis le Sud qu’ils viennent. C’est de là qu’ils occupent et submergent l’Occident, ce qui nous laissera en héritage – non pas peut-être à nous, mais à nos enfants – une très lourde tâche : ce n’est pas seulement du Sud, mais aussi de l’Ouest que nous devrons nous défendre, car le moment viendra où nous devrons accueillir d’une manière ou d’une autre les chrétiens en provenance de l’Ouest et les insérer dans notre vie. Nous avons déjà connu cela et – Schengen ou pas – nous devrons bien arrêter à nos frontières occidentales ceux que nous ne voulons pas laisser entrer chez nous. Mais ce n’est pas notre tâche d’aujourd’hui, ce n’est pas la tâche de notre génération. Notre tâche est simplement d’y préparer nos enfants. Comme l’a dit László Kövér dans une interview : il faut veiller à ce que les jours heureux n’élèvent pas des hommes faibles, lesquels par la suite nous apporteront des jours sombres.

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Voilà pour la démographie et la migration. La couche suivante est la question du genre, que nous appelons chez nous loi de protection de l’enfance. Ne l’oubliez pas : il en est aussi moins question aujourd’hui, parce que les titres des journaux sont occupés par d’autres sujets, mais nous avons été ici aussi cités en justice, et nous attendons la décision des juges. Le seul résultat que nous avons obtenu dans ce domaine est en partie ou peut-être même en totalité dû à Madame la ministre Judit Varga. Nous avons réussi à dissocier nos profonds différends sur la question du genre du débat concernant l’attribution des fonds européens, et les deux débats évoluent maintenant sur des chemins séparés. Ici aussi, notre position est claire – c’est une nouvelle proposition de tolérance : nous ne voulons pas prescrire aux autres comment ils doivent vivre, nous leur demandons simplement d’accepter que chez nous le père est un homme, la mère est une femme, qu’ils veuillent bien laisser nos enfants tranquilles et qu’ils prennent la peine de le faire accepter également par les troupes de George Soros. Il serait important que l’on comprenne en Occident qu’en Hongrie et dans cette partie du monde il ne s’agit pas d’une question idéologique, mais tout simplement d’une question existentielle majeure. Ni cette folie furieuse occidentale – excusez-moi pour le terme – ni ce qui s’y pratique en son nom n’auront jamais de majorité dans ce coin du monde. Cela ne rentre tout simplement pas dans le crâne des Hongrois ni dans celui des fils de quelques autres peuples. Nous avons ici les trans-quelque chose : transnationaux et transgenre, mais le maximum que nous puissions prononcer est Transylvanie, même si en hongrois nous appelons « Erdély » cette région . Nous ne pouvons pas faire plus. Je vous demande donc de ne pas vous tromper, de ne pas vous laisser tromper : nous avons la guerre, nous avons la crise énergétique, nous avons l’inflation issue de la guerre, tout cela dresse un paravent devant nos yeux, qui nous cache les questions relatives à la migration et au genre. Mais il n’en reste pas moins que ce sont ces questions qui détermineront notre avenir. C’est la grande bataille historique que nous livrons : démographie, migration, genre. C’est exactement l’enjeu de la lutte entre la gauche et la droite. Je ne nomme pas un pays ami, je ne fais que l’évoquer : il existe un pays où la gauche a gagné et où parmi les premières nouvelles mesures figurait le démantèlement de leur clôture, et où la seconde consistait à valider toutes les mesures liées au genre, non seulement le mariage homosexuel mais aussi le droit à l’adoption d’enfants par les couples ainsi constitués. Les conflits actuels ne doivent pas nous abuser, notre avenir se joue sur ces questions.

Comment pouvons-nous nous défendre ? D’abord en faisant preuve de détermination. Ensuite en recherchant des alliés. C’est ce qui a fait la signification des V4, le groupe de Visegrád. L’importance acquise par les V4 au cours de la période récente est due au fait que sur ces questions nous avons pu présenter un front uni. Il n’est donc pas étonnant que les post-occidentaux cherchent par tous les moyens à casser la cohésion des quatre de Visegrád. La guerre est survenue là-dessus et a ébranlé la coopération hungaro-polonaise, qui forme l’axe de la coopération des V4. Les intérêts stratégiques des Polonais et des Hongrois à propos de la guerre coïncident, tous deux cherchent à empêcher que les Russes s’approchent encore plus, tous deux souhaitent que l’Ukraine conserve sa souveraineté et que l’Ukraine connaisse la démocratie. Nous voulons tous les deux exactement la même chose, et pourtant cette guerre rend plus difficile notre relation avec nos amis, parce que si sur la base de la raison nos intérêts dont j’ai parlé coïncident clairement, le problème vient du cœur. Il y a un problème de cœur dans les relations entre la Pologne et la Hongrie. Pour notre part, nous voyons dans cette guerre une guerre entre deux peuples slaves, dont nous voulons rester à l’écart ; quant aux Polonais, ils estiment qu’ils sont dedans, que cette guerre est leur guerre, qu’ils la mènent pratiquement déjà. Et puisqu’il s’agit d’une question de cœur, nous ne pouvons pas nous retrouver avec eux et il faut donc sauver, avec l’aide de la raison, tout ce qu’il est possible de sauver de l’amitié et de l’alliance stratégique entre nos deux pays, pour les temps qui suivront la guerre. Et il y a aussi nos amis slovaques et tchèques, mais là des changements de gouvernement se sont produits qui donnent la priorité au monde post-occidental, ils n’assument pas les situations conflictuelles avec Bruxelles et collectionnent les bons points. A mes yeux, cela revient à attacher son cheval à l’écurie en flammes. Bon courage à eux !

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La quatrième question qui vient maintenant est celle de la guerre. Toute guerre peut être vue sous différents angles, mais ce qui est commun à toutes les guerres, c’est que les mères pleurent leurs enfants, et que les enfants perdent leurs parents. Cette constatation doit primer sur toutes les autres, y compris en politique. Cela signifie, pour le gouvernement hongrois, que notre obligation première est qu’aucun parent hongrois, aucun enfant hongrois ne se retrouve dans cette situation. Je rappelle ici qu’il existe des pays qui nous critiquent pour ne pas être, selon eux, suffisamment engagés aux côtés des Ukrainiens, mais ces pays sont loin, ils fournissent tout au plus de l’argent et des armes, mais nous, les Hongrois, sommes les seuls, en-dehors des Ukrainiens, à mourir aujourd’hui dans cette guerre. Selon nos informations, 86 Hongrois ont perdu la vie à ce jour dans cette guerre. Notre point de vue est tout à fait différent. Nous, les Hongrois, sommes les seuls à avoir versé notre sang dans cette guerre, aucun de ceux qui nous critiquent ne l’a fait. C’est pourquoi la Hongrie a le droit, en tant que pays frontalier, d’affirmer que la paix est la seule solution pour préserver les vies humaines, et qu’elle est en même temps le seul antidote à l’inflation de guerre et à la crise économique liée à la guerre.

Comment aborderons-nous cette guerre à l’avenir ? Nous confirmerons notre opinion selon laquelle cette guerre n’est pas la nôtre. La Hongrie est membre de l’OTAN, et nous partons du point de vue que l’OTAN est bien plus forte que la Russie, et que pour cette raison la Russie n’attaquera jamais l’OTAN. L’affirmation selon laquelle les Russes ne s’arrêteront pas à l’Ukraine est une faible, mais compréhensible affirmation de la propagande ukrainienne, que je comprends parce que leur objectif est de nous impliquer, d’impliquer le plus grand nombre possible de pays à leurs côtés dans cette guerre, mais elle est dépourvue de toute vraisemblance. En même temps, puisque nous sommes membres de l’OTAN et que nous voulons nous tenir à l’écart de cette guerre, notre situation est devenue délicate parce que l’OTAN et l’Union européenne ont décidé, tout en évitant de devenir belligérants, de livrer malgré tout des armes et d’imposer de sévères sanctions économiques. Cela signifie – que cela plaise ou pas – qu’elles sont devenues de fait – pas de jure, mais de facto – parties prenantes à ce conflit. Elles se retrouvent – nous nous retrouvons – dans cette situation dangereuse de devoir aider d’une manière ou d’une autre, comme partie au conflit, les Ukrainiens sans que le pouvoir à Moscou ne le considère comme tel, sans qu’aux yeux de Moscou cette action ne se transforme en une belligérance caractérisée de la Hongrie, de l’OTAN et de l’Union européenne. C’est sur ce très délicat équilibre que jouent tous les jours, avec une prise de risque considérable, l’Union européenne et l’OTAN.

Puisque l’on peut dire beaucoup de choses de la guerre, et s’il vous reste encore un peu d’attention, je voudrais dire quelques mots sur les origines de ce conflit, sur ce que pouvait être sa motivation. Tout le monde le sait : la Russie a attaqué l’Ukraine. C’est un fait. Voyons maintenant quelle en était la cause. Nous sommes conscients du problème consistant à dire que si l’on comprend quelque chose, l’on n’est plus très loin de l’accepter. Mais il est très important de faire la différence morale entre comprendre et admettre. Cela veut dire concrètement qu’il est important de comprendre pourquoi les Russes ont fait ce qu’ils ont fait, mais il n’en résulte pas qu’après l’avoir compris nous l’ayons également admis. Les Russes ont exprimé une exigence de sécurité très claire, ils l’ont même décrite de manière assez inhabituelle en diplomatie et l’ont adressée aux Américains ainsi qu’à l’OTAN. Ils y déclarent exiger que l’Ukraine ne devienne jamais membre de l’OTAN, ils attendent de l’Ukraine qu’elle s’y engage solennellement, que l’OTAN elle-même en donne l’assurance à la Russie et que nous nous engagions à ne jamais déployer sur le territoire ukrainien d’armes susceptibles d’atteindre le territoire russe. Les Occidentaux ont rejeté cette proposition et n’ont même pas été disposés à en discuter. Ils ont déclaré que l’OTAN menait une « open door policy », c’est-à-dire que sa porte était ouverte à tous, que n’importe qui pouvait s’y présenter et qu’il nous appartenait de décider qui nous voulions admettre et qui non. Ce rejet a toutefois eu pour conséquence que les Russes veulent maintenant obtenir par les armes la réalisation des exigences de sécurité qu’ils voulaient précédemment obtenir par la voie de la négociation. Je dois dire que si nous avions eu un peu plus de chance, si le président des Etats-Unis d’Amérique s’était appelé Donald Trump en ces heures décisives, et si nous avions réussi auparavant à convaincre Angela Merkel de ne pas se retirer, si donc Donald Trump avait été le président américain et Angela Merkel la chancelière allemande, cette guerre n’aurait jamais éclaté. Mais nous n’avons pas eu de chance, et c’est pourquoi nous nous trouvons aujourd’hui avec cette guerre sur le dos.

La stratégie de l’Occident dans ce conflit repose sur quatre piliers. C’est une stratégie raisonnable sur le papier, il y a peut-être même des chiffres derrière. Le premier : l’Ukraine ne peut pas gagner seule de guerre contre la Russie, mais avec des instructeurs anglo-saxons et des armes de l’OTAN, oui. Le second : les sanctions vont affaiblir la Russie et déstabiliser le pouvoir à Moscou. Le troisième : nous serons capables de gérer les conséquences économiques des sanctions, qui nous toucheront aussi, mais elles feront davantage de mal aux Russes et moins à nous. Et le quatrième : le monde s’alignera derrière nous, parce que c’est nous qui avons raison.

En conséquence cependant de cette merveilleuse stratégie, nous nous retrouvons aujourd’hui assis dans une voiture dont les quatre pneus ont crevé. Il est parfaitement clair que la guerre ne peut pas être gagnée de cette manière. Les Ukrainiens ne gagneront jamais de guerre contre la Russie avec des instructeurs et des armes américains, tout simplement parce que l’armée russe bénéficie d’une supériorité asymétrique. La seconde réalité avec laquelle nous devons compter est que les sanctions ne déséquilibreront pas Moscou. La troisième est que l’Europe est en difficulté, en difficulté économique mais aussi politique, et que les gouvernements tombent les uns après les autres comme des dominos. Rien que depuis le déclenchement de la guerre, cela a été le cas au Royaume-Uni, en Italie, en Bulgarie et en Estonie. Et où est encore l’automne ? Les grandes hausses des prix se sont produites en juin, quand le prix de l’énergie a doublé. Leurs effets sur la vie des gens, avec l’insatisfaction qu’elles génèrent, ne vont se faire sentir que maintenant, et nous avons déjà perdu quatre gouvernements. Et enfin, le monde ne s’est pas contenté de ne pas nous emboîter le pas, il a clairement déclaré qu’il ne le voulait pas. Ainsi, la capacité des Américains à désigner l’empire du mal, comme ils disent, et à intimer au monde d’avoir à se ranger du bon côté de l’Histoire – nous sommes pour notre part un peu troublés par le fait que les communistes ont, eux aussi, toujours dit cela – dans la conviction que le monde leur obéira sans discuter, cette capacité, que les Américains ont effectivement eue dans le passé, n’existe plus. Une grande partie du monde ne fait pas mystère de son refus d’y adhérer : les Chinois, les Indiens, les Brésiliens, l’Afrique du Sud, le monde arabe, l’Afrique. Une grande partie du monde n’est tout simplement pas disposée à participer à cette guerre, non pas parce que la vérité ne serait pas du côté des Occidentaux, mais parce que pour eux le monde ne se compose pas seulement de cette guerre, qu’ils ont leurs propres problèmes auxquels ils doivent faire face et qu’ils veulent résoudre. Il est bien possible que cette guerre soit celle qui mettra clairement un point final à cette supériorité occidentale qui, avec des moyens divers et variés, a été capable de forger dans telle ou telle situation une approche mondiale unitaire contre quelqu’un. C’est cette époque qui prend fin. Exprimé dans le jargon de la politique, c’est un ordre mondial multipolaire qui frappe à notre porte.

Et si nous parlons de la guerre, il nous reste, pour être complets, plusieurs problèmes à traiter. Nous avons le problème que l’armée hongroise, comparée à celle des autres, ne pèse pas bien lourd. Nous avons le problème que le PIB hongrois, comparé à celui des grands pays européens et des Etats-Unis, est également considéré comme modeste. Nous pouvons donc bien avoir une vision claire de la situation, une appréciation remarquable de la guerre, des suggestions stratégiques, mais, vous savez, cela ne compte pas beaucoup en matière de guerre, parce que la guerre n’est qu’un prélude. C’est le plus fort qui décide. Il ne sert à rien pour la Hongrie d’entretenir l’illusion qu’avec nos excellents conseils nous serons capables d’influencer le déroulement des hostilités et la stratégie de l’Occident. Malgré cela, je considère comme un devoir moral et d’honnêteté de nous efforcer, dans tous les débats, d’exposer notre point de vue et d’essayer de convaincre les Occidentaux qu’au lieu de vaines déclarations de victoire ils seraient mieux inspirés d’élaborer une nouvelle stratégie. Si les quatre pneus de la voiture ont crevé, il faut les changer, tous les quatre. Il faut une nouvelle stratégie, au centre de laquelle, dans l’objectif de laquelle ce n’est pas la victoire dans la guerre, mais des négociations de paix et la formulation d’une bonne proposition de paix qui doivent figurer. Je dois dire que l’Union européenne n’a pas maintenant – pour utiliser une formule imagée – à se placer du côté des Russes ou des Ukrainiens, mais bien entre les deux. C’est cela qui devrait être au centre d’une nouvelle stratégie.

Que va-t-il se passer ? Les Russes utilisent un langage suranné. Quand nous les écoutons, c’est comme si nous entendions les voix du passé : les gestes à faire, les catégories, les mots. Quand j’écoute M. Lavrov, c’est comme si j’entendais les voix d’il y a trente et quarante ans, mais cela ne veut pas dire que ce que les Russes disent n’a pas de sens. Leurs propos ont du sens, et il est bon de les prendre au sérieux. Le représentant officiel de la Russie a par exemple déclaré il y a deux jours qu’ils avanceront en Ukraine jusqu’à ce que le front ne se sera pas suffisamment éloigné pour que l’on ne puisse pas atteindre le territoire de la Russie avec les armes dont disposent les Ukrainiens. Cela veut dire que plus l’OTAN livrera d’armes modernes aux Ukrainiens, plus les Russes repousseront le front, parce qu’ils sont un peuple de soldats qui ne raisonne qu’en termes de sécurité et la seule chose qui les intéresse est qu’une agression militaire ne puisse pas les atteindre depuis le territoire de l’Ukraine. En d’autres termes, ce que nous faisons en ce moment – que nous le voulions ou pas – favorise la poursuite de la guerre. Ce qui veut dire à son tour – et il vaut mieux nous familiariser avec cette conséquence – qu’il n’y aura pas de pourparlers de paix entre la Russie et l’Ukraine. Ceux qui les attendent perdent leur temps. Etant donné que la Russie veut des garanties de sécurité, il ne peut être mis fin à cette guerre qu’au moyen de négociations entre les Etats-Unis et la Russie. Tant qu’il n’y aura pas de pourparlers russo-américains, il n’y aura pas non plus de paix. L’on pourrait objecter que nous sommes là, les Européens, mais hélas, mes Amis, je dois vous dire que nous, les Européens, avons grillé nos moyens d’influencer les événements. Nous les avons grillés après 2014, en n’associant pas les Américains au premier accord de Minsk consécutif à la guerre de Crimée, et que nous avons conclu un accord de Minsk avec garantie franco-allemande, qu’il aurait fallu exécuter. Mais malheureusement nous, les Européens, ou plus précisément ceux qui nous représentaient, à savoir les Français et les Allemands, en ont été incapables. C’est pourquoi les Russes ne veulent plus discuter avec nous, mais avec l’interlocuteur qui sera capable de faire exécuter par les Ukrainiens ce sur quoi ils se sont mis d’accord. Le résultat est donc que l’Europe se retrouve, pour la première fois depuis la Seconde guerre mondiale, dans la situation où ce n’est pas elle, mais de nouveau les Américains et les Russes, qui auront la main sur les décisions relatives aux questions de sa sécurité les plus importantes.

Je voudrais faire ici une remarque, parce que je crois que ce qui précède éclaire de manière convaincante le danger que représente la proposition de l’Union européenne consistant à modifier le processus décisionnel actuel des Etats-membres en matière de politique internationale, dans lequel toute décision de politique étrangère ne peut être prise qu’à l’unanimité. Cette proposition vise à faire en sorte que l’on puisse mener une politique étrangère européenne commune à la majorité simple. Sur la base de l’expérience historique de la Hongrie, si l’on impose à un pays une politique étrangère dont il ne veut pas, même si une majorité qualifiée des deux-tiers y était nécessaire au sein de l’Union, l’on ne peut lui donner qu’un seul nom : impérialisme. Et l’argument consistant à dire qu’à défaut l’Europe ne peut pas devenir un protagoniste de la politique mondiale est également un tour d’illusionniste. La raison pour laquelle l’Europe ne peut pas devenir un protagoniste de la politique mondiale est qu’elle n’est capable de faire de l’ordre ni en son propre sein, ni dans son arrière-cour. Le meilleur exemple en est ici la guerre russo-ukrainienne. C’est cela qu’il faudrait résoudre, mais je pourrais citer d’autres exemples. Il aurait fallu imposer l’exécution des accords de Minsk. Les Croates sont abusés en Bosnie : c’est une question complexe, mais je voudrais que vous sachiez que les Croates vivant en Bosnie, qui auraient en bonne règle le droit d’élire leur dirigeant, en sont empêchés au moyen de toutes sortes d’artifices par les Bosniaques qui, jouant sur les trous de souris de la loi électorale, élisent en pratique les Croates. Les Croates font état de ce problème à chaque Conseil européen, nous, les Hongrois, nous les soutenons avec tous les moyens à notre disposition, mais l’Union est incapable de résoudre le problème. Ou bien voilà encore le problème de la défense de ses propres frontières. Il ne devrait pas être un facteur de politique mondiale, et le niveau d’ambition approprié serait satisfait si l’Union était capable de défendre ses propres frontières, mais elle en est incapable, et le pauvre Salvini, qui s’y est essayé, a été traîné devant les tribunaux et risque d’être enfermé en prison. Ou voilà encore l’élargissement aux Balkans occidentaux : la Grèce est membre de l’Union, la Hongrie est membre de l’Union, et entre les deux se retrouve un grand trou noir : les Balkans. L’Union est incapable d’intégrer ceux qu’elle devrait arrimer à elle pour des raisons à la fois géopolitiques et économiques. Au lieu d’aspirer à jouer un rôle dans la politique mondiale, l’Europe devrait se fixer et réaliser l’objectif modeste consistant à régler les problèmes de politique étrangère qui se posent en son propre sein.

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Démographie, migration, genre, guerre. Le cinquième défi majeur auquel nous sommes confrontés est celui de l’énergie et de l’économie. C’est une question compliquée. Dans ces cas, il vaut mieux tout recommencer depuis le début, comme il se doit après un pas de danse manqué, c’est-à-dire réessayer de comprendre la situation et poser les questions les plus simples. La question la plus simple est celle-ci : qui gagne à cette guerre ? La réponse est : celui qui y gagne est celui qui dispose de sources d’énergie qui lui soient propres. Les Russes y gagnent, et là nous avons – mal – compté que si nous n’achetons pas aux Russes leurs sources d’énergie, leurs recettes vont baisser, ce qui est une erreur parce que les recettes ne sont pas seulement déterminées par les quantités vendues, mais aussi par leur prix. Et la situation est aujourd’hui que les Russes vendent moins d’énergie, mais leurs recettes sont très supérieures. Les Russes y gagnent donc. Les importations de l’Union européenne en provenance de la Russie ont eu beau baisser de 23%, les recettes de Gazprom n’en ont pas moins doublé sur la même période. Les Chinois y ont gagné. Les Chinois étaient auparavant dépendants des Arabes pour leurs sources d’énergie, la totalité de leurs besoins était satisfaite dans cette partie du monde. Mais maintenant que nous, les Européens, n’achetons plus aux Russes, nous avons, ce faisant, transféré sur la Chine les sources d’énergie russes, ce qui fait que la Chine a mis fin à sa dépendance énergétique. Et naturellement, les grandes entreprises américaines y gagnent aussi. J’ai rassemblé les données suivantes : les bénéfices d’Exxon ont doublé en 2022, ceux de Chevron ont quadruplé, et ceux de ConocoPhillips ont sextuplé. Nous savons donc qui y gagne du point de vue économique. Et qui y perd ? L’Union européenne, parce que son déficit énergétique, plus précisément la différence de valeur entre ce qu’elle importe et ce qu’elle exporte a triplé et son déficit atteint aujourd’hui 189 milliards d’euros.

Comment cela nous touche-t-il ? La question, le groupe de questions le plus important est pour nous, en Hongrie, le plafonnement des dépenses d’énergie pour les ménages. Quel est l’avenir de ce plafonnement en Hongrie ? J’ai écouté hier le dirigeant de l’Alliance démocratique des Hongrois de Roumanie , et j’ai compris comment ils procèdent ici, en Roumanie, comment ils s’efforcent de venir en aide aux gens pour qu’ils puissent subsister face à des prix de l’énergie de ce niveau. En Hongrie, nous procédons autrement. En Hongrie, nous avons mis en place dès le début des années 2010 un système qui est pour moi un véritable acte de bravoure politique et qui a eu un impact considérable en matière de politique sociale. L’on pouvait en effet voir dès 2010 que les dépenses d’énergie calculées sur la base des prix du marché étaient très élevées par rapport aux revenus dont disposaient les ménages, dont une part substantielle des revenus partait dans un poste de dépense obligé pour leur existence. C’est pour cette raison que nous avons mis en place un système où, indépendamment de ce que coûtait l’énergie sur le marché, nous garantissions à tous l’accès au gaz, à l’électricité et même au chauffage urbain à un prix administré. Le prix du marché était supérieur au prix administré, et la différence était couverte par le budget de l’Etat. C’était le système hongrois, qui a bien fonctionné pendant dix ans. Le problème est maintenant que la guerre a déséquilibré ce système, avec des prix de l’énergie qui sont des prix de guerre. Notre tâche est de défendre d’une manière ou d’une autre le plafonnement. Je vois que nous allons y arriver, au moyen du maintien du plafonnement pour tout le monde jusqu’à hauteur de la consommation moyenne. En Roumanie, ce n’est pas le cas. En Hongrie, le prix plafonné est maintenu pour tout le monde jusqu’à hauteur de la consommation moyenne par foyer, en revanche ceux qui consomment davantage que cette moyenne devront, pour la partie en dépassement, acquitter un prix de marché que nous avons rendu public ces derniers jours. Si ce système tient et si nous pouvons le maintenir, nous pourrons également nous féliciter d’un acte de bravoure politique et d’un résultat de politique sociale majeur. Pour vous donner une idée des ordres de grandeur, qu’est-ce qui a changé ? Si je regarde l’année 2021, je vois que l’Etat hongrois a dû débourser 296 milliards de forints pour combler la différence entre le prix administré et le prix du marché. En 2022, si les prix actuels demeurent à leur niveau jusqu’à la fin de l’année, ce n’est pas 296, mais 2.051 milliards de forints , soit sept fois plus, qu’il faudra débourser, ce que bien évidemment l’économie hongroise ne peut pas se permettre. C’est cela qu’il faut résoudre. C’est pour cela que nous avons décidé de maintenir le plafonnement pour la consommation moyenne, mais au-dessus il faudra acquitter le prix du marché. C’est aussi pour cela que nous avons ajourné tout investissement non énergétique. Ce qui n’a pas encore démarré ne démarrera pas. Les investissements d’Etat qui ont déjà démarré seront menés à terme, parce que rien ne doit rester inachevé. Ici aussi, au-delà des frontières, nous terminerons tout ce qui a été commencé. Pour les investissements dont le fonctionnement nécessite de l’argent, nous l’assurerons en Hongrie comme ici, mais nous ne pourrons pas lancer de nouveaux investissements, parce que je ne peux pas garantir – ni à vous ici, ni en Hongrie – que ce que nous lancerions aujourd’hui pourra être mené à terme. Ce serait de l’irresponsabilité, et c’est pourquoi il convient d’attendre.

Et il y a encore une autre tâche : il faut prendre congé du gaz. L’électricité représente une charge bien moindre pour la Hongrie parce que nous avons une centrale nucléaire, et que nous avons aussi de l’énergie solaire. Si nous réussissons à transférer la consommation du gaz sur une autre énergie, par exemple l’électricité ou la biomasse – c’est le nom moderne du bois – la charge qui pèse sur nous se réduira. C’est une tâche supportable et réalisable dans le cadre des objectifs budgétaires actuels.

Le souci suivant qui se manifeste dans le domaine de l’économie est la récession. C’est la manière élégante de s’exprimer pour dire que la performance de l’économie sera inférieure à ce qu’elle avait été l’année précédente. L’Europe tout entière est tourmentée par le spectre de la récession. Cette situation est amplifiée en Hongrie par le fait que notre monnaie est le forint, et lorsque le cours du dollar par rapport à l’euro se modifie, plus précisément lorsque le dollar se renforce, il en résulte aussitôt et automatiquement un affaiblissement du forint. Et si nous traversons une période marquée par un renforcement constant du dollar par rapport à l’euro, ou tout au moins par un maintien du niveau élevé qu’il a atteint, il en résulte automatiquement un affaiblissement du forint, indépendamment du point de savoir si la performance de l’économie sera inférieure ou pas à celle de l’année en cours. Dans nos prévisions budgétaires, elle ne sera pas inférieure, parce que nous serons en croissance. Le problème est que dans le même temps partout ailleurs en Europe, ou tout au moins dans une grande partie des pays de l’Europe, il y aura une récession, qui provoquera une déstabilisation politique. Les anciens Grecs avaient bien dit que le monde a deux états : lorsqu’il est ordonné, on l’appelle le Cosmos, et lorsqu’il ne l’est pas, on l’appelle le Chaos. C’est cette dernière direction que prend aujourd’hui l’économie européenne. Le dilemme auquel nous devons faire face en Hongrie, et lui trouver la clef appropriée, est le suivant : au milieu d’une récession globale, une exception locale est-elle possible ? C’est le but que nous nous sommes fixé pour les deux prochaines années, à savoir que la Hongrie soit une exception locale dans un temps de crise globale. Ambitieux objectif !

Cela veut dire aussi qu’il n’y aurait pas de sens à considérer les quatre années à venir comme une période unique à la suite de nos élections gagnées du printemps dernier. Cela n’a pas de sens, parce que ces quatre années se divisent en deux périodes de deux ans chacune. Les deux premières années vont de 2022 à 2024. En 2024, il y aura des élections aux Etats-Unis, et c’est alors qu’arrivera selon moi, pour la première fois sérieusement, une perspective de paix. Suivront les deux années de 2024 à 2026. Des plans différenciés sont nécessaires pour chacune de ces deux périodes. Arriverons-nous à faire de la Hongrie une exception locale ? C’est possible, si nous adoptons le mot-clé : rester à l’écart. La Hongrie réussira à conserver ses succès en matière économique si nous restons à l’écart de la guerre, si nous restons à l’écart de la migration, si nous restons à l’écart de la folie furieuse du genre, si nous restons à l’écart de l’impôt minimum – le temps m’empêche d’aborder ce sujet dans le détail, mais cela aussi, on veut nous l’imposer – et nous devons aussi rester à l’écart de la récession européenne globale.

La bonne nouvelle est que cela a réussi en 2010. Une autre bonne nouvelle est que cela a réussi en 2020 aussi, à l’époque de la pandémie du Covid. De chacune de ces crises, nous sommes sortis plus forts que comme nous y étions entrés. En 2020 aussi, nous avons doublé dans le virage, nous avons dépassé le PIB par tête d’habitant de la Grèce et du Portugal en pleine époque de crise. Le problème est que pendant que nous doublions dans le virage, nous avons reçu une belle giclée de pluie glacée, et nous devons à présent maintenir d’une manière ou d’une autre notre engin sur la piste.

J’estime important, en vue du succès, d’être capables de conclure de nouveaux accords avec tous les protagonistes importants afin de s’adapter aux circonstances nouvelles, non seulement politiques, mais aussi économiques. Nous devons conclure un nouvel accord avec l’Union européenne. Ces pourparlers financiers sont en cours, nous arriverons à un accord. En ce moment nous allons gentiment tous les deux, main dans la main, jusqu’au mur, puis nous nous arrêtons, nous nous tournons l’un vers l’autre, nous nous embrassons, et nous concluons notre accord. La Hongrie doit conclure un nouvel accord avec les Russes, la Hongrie doit conclure un nouvel accord avec les Chinois, et ensuite elle doit conclure un nouvel accord avec les Etats-Unis aussi, ce qui sera plus facile avec les Républicains qu’avec l’administration démocrate actuelle. Et si nous arrivons à résoudre tout cela, si nous arrivons à nous mettre d’accord avec chacun de la manière qu’exigent nos intérêts nationaux, nous pourrons retrouver en 2024 le vieux chemin de la croissance et du développement.

Je dois pour finir signaler que pendant que nous jouons ici avec les années, il ne faut pas oublier que notre objectif véritable est 2030. J’ai parlé de beaucoup de choses, et le gouvernement hongrois ressemble aujourd’hui à ces jongleurs chinois qui font tourner vingt assiettes en même temps sans qu’aucune ne tombe. C’est à peu de choses près l’exercice que nous devons produire, et nous ne devons pas perdre de vue, pendant que tournent les vingt assiettes, l’horizon le plus important de notre réflexion, la date-limite située aux environs de 2030. Selon notre analyse, c’est vers cette date que s’accumuleront et se multiplieront, avec toutes les tensions que cela implique, les problèmes du monde occidental. Les Etats-Unis connaîtront une crise très sérieuse. Si j’ai déjà eu l’occasion de recommander le livre d’un écrivain français, je fais de même pour l’ouvrage de l’analyste américain Friedman, également paru en hongrois : « Tempête avant le calme », qui répartit sur le temps les différents défis auxquels les Etats-Unis devront faire face, lesquels atteindront leur point culminant aux alentours de 2030. Mais c’est dans cette même période qu’apparaîtront également tous les problèmes de la zone euro, provenant essentiellement du fait que les parcours de croissance du Sud et du Nord s’écartent les uns des autres : le Sud est endetté, le Nord doit financer cet endettement, mais cela provoque une tension telle qu’après un certain moment le système ne sera plus supportable, à moins que les pays du Sud ne se réforment sur le modèle de ceux du Nord. Et on ne les voit pas développer un enthousiasme débordant à l’idée de changer subitement de culture. C’est pour cette raison que la dette publique des pays du Sud atteint les 120-150-180%. Et c’est également vers 2030 que de nouveaux rapports de force verront le jour au sein de l’Union, car c’est alors que les pays d’Europe centrale, que l’on traite aujourd’hui comme on les traite – je n’ai pas besoin de faire un dessin –, c’est alors que nous, les pays d’Europe centrale, deviendrons contributeurs nets. Le moment viendra donc où grâce à sa croissance plus rapide par rapport aux autres la Hongrie ne recevra globalement plus d’argent de l’Union européenne, mais lui en versera, elle contribuera davantage qu’elle ne recevra. Les Tchèques en sont déjà très proches. Si les Polonais progressent comme nous le voyons, eux aussi s’y retrouveront aux alentours de 2030, et nous y serons à peu près aussi au même moment. Cela entraînera de nouveaux rapports de force : qui paie commande. Cela modifiera également notre position, une situation nouvelle se présentera pour nous au sein de l’Union. En d’autres termes, mes chers Amis, c’est à ce moment-là, vers 2030, que nous devrons être au mieux de notre forme. C’est alors que nous aurons besoin de force. Force diplomatique, économique, militaire, et force d’âme aussi.

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Et maintenant, pour faire suite aux recommandations de Zsolt , je me limiterai à énumérer les facteurs qui aideront la Hongrie à être une exception locale dans un temps de récession globale.

Le premier facteur est que nous disposons encore d’une force de gardes-frontière.

Le second est que notre société est basée sur la famille, ce qui est une circonstance de nature à garantir une énergie et une motivation solides.

Troisièmement, nous réalisons actuellement nos grands développements en matière d’industrie de défense et de nos forces armées.

En quatrième lieu, nous diversifions nos sources d’énergie. Soit dit entre parenthèses : ce que veut d’Union n’est pas une diversification. La diversification signifie que l’on n’est pas dépendant parce que l’on se procure son énergie de sources différentes. Ce que l’Union fait, ce sont des sanctions, dont le but est de faire en sorte de ne pas acheter à tel ou tel fournisseur. C’est tout à fait différent. Nous ne voulons pas cesser d’acheter à la Russie, ce que nous voulons, c’est empêcher que nous ne devions acheter qu’à elle.

Notre cinquième opportunité est l’exploitation des mutations technologiques. Si nous sommes assez rapides, assez réactifs, nous gagnerons toujours aux mutations technologiques. Voici par exemple le cas des voitures électriques. Nous effectuons en Hongrie des investissements considérables dans la production de batteries, et nous deviendrons en moins de temps qu’il ne faut pour le dire le troisième producteur de batteries du monde non pas en pourcentage, mais en valeur absolue, et le cinquième exportateur au niveau mondial. Voilà les niches dans lesquelles nous pouvons nous introduire.

L’apport des capitaux étrangers est notre sixième grande opportunité. Le capital nous arrive de l’Orient comme de l’Occident. En 2019 (ou en 2020) c’est la Corée du Sud qui a le plus investi chez nous. L’année suivante c’était la Chine, et cette année de nouveau la Corée, tandis que se poursuivent les investissements des Allemands. Ces derniers ont annoncé hier la construction de la nouvelle usine Mercedes pour une valeur d’un milliard d’euros. Nous sommes un pays de transit, et nous voulons le rester, avec cette remarque : si le monde se reconfigure en blocs, et si on le divise de nouveau en Est et en Ouest, nous cesserions d’être un lieu de rencontres, un pays de transit, nous ne serions plus un lieu de passage, de contacts, jouissant à la fois des avantages de l’Est et de ceux de l’Ouest, mais, au cas d’une division en blocs, nous nous retrouverions au bord de quelque chose, à la périphérie de quelque chose. Et alors la Hongrie ne sera pas un pays florissant, elle ne sera qu’une sorte de poste de garde avancé poussiéreux, à la manière de Jenő Rejtő . C’est pourquoi nous devons nous opposer à toute formation de blocs. Ce n’est qu’ainsi que nous pourrons profiter des avantages du pays de transit et de l’économie de transit.

Notre huitième opportunité est la stabilité politique. Nous disposons d’une majorité des deux-tiers au Parlement, et un gouvernement soutenu par une majorité des deux-tiers ne peut pas être renversé. Nous n’avons pas de débats de coalition, puisque nous ne gouvernons pas en coalition. Peut-être ne l’avez-vous pas remarqué, mais nous avons réalisé au cours de la période récente un changement de génération du côté des forces nationales. Oublions un instant qu’en Occident c’est à mon âge que les gens commencent leur carrière politique. En Hongrie c’est l’inverse, c’est moi qui suis proche de la sortie. Et il faut faire en sorte que les générations qui nous suivront disposent elles aussi de responsables politiques aussi engagés corps et âme en faveur de la nation que nous l’avons nous-mêmes été. C’est pour cette raison que nous avons réalisé à bas bruit un changement de génération dont le symbole, face au premier ministre bientôt sexagénaire que je suis, est notre présidente de la République âgée de 44 ans et mère de trois enfants. Et si vous regardez le gouvernement, vous y verrez de jeunes quadragénaires ministres, qui seront capables de veiller aux destinées de la Hongrie sur les vingt à trente prochaines années. Bien entendu, le changement de génération n’est pas toujours facile, parce qu’il n’est pas indifférent de voir si les nouveaux venus rueront dans les brancards ou s’ils tireront la charrette. Ceux qui rueront dans les brancards devront être envoyés se produire sous un chapiteau de cirque. Quant à ceux qui tirent la charrette, il faudra les impliquer dans le processus de décision politique.

La neuvième opportunité de notre stratégie d’exception locale est notre base spirituelle. Parce que la Hongrie a conservé une pensée nationale, elle a gardé une sensibilité de nation, elle a sa culture et une langue adaptée à une description exhaustive du monde hongrois.

Et enfin le dixième facteur qui nous donne nos chances de succès : l’ambition. La Hongrie a des ambitions. La Hongrie a des ambitions en tant que communauté et en tant que nation. Des ambitions nationales, et même européennes. C’est pourquoi, si nous voulons préserver nos ambitions dans la période difficile qui s’ouvre, nous devons rester unis. La nation-mère doit rester unie, et la Transylvanie ainsi que les autres régions du Bassin des Carpates habitées par des Hongrois doivent rester unies. C’est cette ambition, mes chers Amis, qui nous chauffe, qui nous fait avancer, elle est notre carburant. La conviction que nous avons toujours davantage donné au monde que nous n’avons reçu de lui, que l’on nous a toujours davantage ôté que nous n’avons reçu du monde, que nous avons sur l’extérieur des factures non réglées, que nous sommes meilleurs, plus appliqués et plus doués que là où nous nous trouvons et où nous vivons aujourd’hui, que le monde nous doit quelque chose, et que ce quelque chose, nous allons le récupérer. C’est là notre plus forte ambition.

Je vous remercie pour votre attention. Vive la Hongrie, vive les Hongrois !